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La pluie mesurée à partir de l'espace, avantages et inconvénients des produits satellitaires

HD Sciences n°22
April 18, 2024
3-5 min

Dans le domaine de la météorologie, la mesure des précipitations à l'aide de satellites est devenue un outil essentiel pour surveiller le cycle hydrologique à l'échelle mondiale. Bien que les technologies spatiales aient considérablement progressé ces dernières années, estimer avec précision les quantités de pluie depuis l'espace reste un défi majeur.

Cet article fait suite au HD Science n°19, où nous avons abordé de manière générale l'utilisation des satellites en météorologie en définissant les types des satellites géostationnaires et défilants ainsi que leurs avantages et inconvénients. Ici, nous approfondirons l'analyse en détaillant les différents produits satellitaires dédiés à la mesure des précipitations, en examinant leurs spécificités, leurs avantages et leurs limites. Nous évoquerons également les perspectives d'amélioration de la précision et de la résolution spatiotemporelle de ces produits.

Il s'agit d'une representation GPM constellation de la Nasa.
@ NASA GSFC https://gpm.nasa.gov/missions/GPM/constellation

Produits satellitaires d’estimation des précipitations

Au cours des dernières décennies, de nombreux produits satellitaires ont été développés pour mesurer les précipitations. Bien que ces produits diffèrent en termes de satellites utilisés, d'objectifs de conception, de résolution spatiotemporelle, de sources de données et d'algorithmes, ils poursuivent tous le même but : compléter les observations pluviométriques au sol pour une meilleure couverture mondiale.

Parmi les principaux produits de précipitations par satellite, on peut notamment citer :

  • IMERG (Integrated Multi-satellitE Retrievals for GPM) : Ce produit, élaboré par la NASA (National Aeronautics and Space Administration), combine les données de plusieurs satellites (géostationnaires et défilants), notamment ceux de la mission GPM (Global Precipitation Measurement), pour estimer les précipitations à l'échelle globale avec une résolution spatiale de 0,1° (environ 10 km) et une résolution temporelle de 30 minutes.
  • PERSIANN (Precipitation Estimation from Remotely Sensed Information using Artificial Neural Networks) : Ce produit, développé par le CHRS (Center for Hydrometeorology and Remote Sensing) à l’université de California, Irvine (UCI), utilise les données infrarouges des satellites géostationnaires pour estimer les précipitations à une résolution spatiale de 0,25° (environ 25 km) et une résolution temporelle horaire.
  • CMORPH (CPC Morphing Technique) : Cette méthode, développée par  CPC-NOAA (Climate Prediction Center of the National Oceanic and Atmospheric Administration), combine les observations des capteurs micro-ondes et infrarouges des satellites défilants et géostationnaires pour produire des estimations de précipitations à une résolution spatiale de 0,07° (environ 8 km) et une résolution temporelle de 30 minutes.
  • HSAF H60B (Hydrology Satellite Application Facility) : Ce produit, développé par l'Agence Spatiale Européenne (ESA) combine les observations micro-ondes et infrarouges de plusieurs satellites pour produire des estimations de précipitations à une résolution spatiale d’environ 3 km et une résolution temporelle de 15 minutes.

Ces produits satellitaires de précipitations se distinguent par plusieurs caractéristiques clés :

Types de satellites utilisés : Certains produits, comme PERSIANN, n'utilisent que les données des satellites géostationnaires. D'autres, comme CMORPH, HSAF H60B et IMERG combinent les observations des satellites géostationnaires et défilants.

Résolution spatiale : La résolution spatiale varie grandement, allant de 0.03° pour HSAF H60B à 0.25° pour PERSIANN. Cette résolution varie également pour chaque produit utilisant les satellites géostationnaires selon la position sur Terre : la résolution est meilleure à l’équateur qu’aux pôles. Cette différence de résolution a un impact sur la capacité à capturer la variabilité locale des précipitations.

Résolution temporelle : De même, la résolution temporelle est très variable, allant de 15 minutes pour HSAF H60B à une résolution horaire pour PERSIANN et journalière pour d’autres produits. Une haute résolution temporelle est particulièrement importante pour des applications comme la prévision météorologique à court terme et les inondations.

Latence des données : C'est une caractéristique essentielle, surtout pour les usages en temps réel. En général, les produits ont une latence de quelques heures à quelques jours, selon le niveau de traitement et de correction appliqué. Par exemple, IMERG propose différents niveaux de produits, du "Early Run" non corrigé (4h de latence) au "Final Run" intégrant les données de stations météorologiques au sol (3 mois et demie de latence).

Cette diversité de caractéristiques techniques permet de répondre à une large gamme d'applications, allant de la surveillance météorologique à court terme à l'analyse climatique à long terme. Cependant, comme nous le verrons, ces produits comportent encore des limites en termes de précision.

Avantages et inconvénients des produits satellitaires :

Les principaux avantages des produits de pluie par satellite sont leur couverture globale, leur résolution spatiale et temporelle de plus en plus fine, ainsi que leur disponibilité en quasi temps réel dans des zones où la données au sol est indisponible. Cela en fait des outils précieux pour la surveillance des précipitations, la modélisation et la prévision météorologique, l'hydrologie et l'agriculture.

Cependant, ces produits comportent encore des limites. Leur précision est souvent inférieure à celle des mesures au sol en particulier pour les événements de faibles précipitations. Ainsi qu’une sous-estimation des fortes précipitations dans la plupart des cas. Ils peuvent aussi avoir des difficultés à détecter certains types de précipitations, comme la neige ou la grêle.

la résolution spatiale des produits satellites, souvent de quelques dizièmes de degrés (et donc dizaines de kilomètres) reste relativement grossière par rapport à la variabilité locale des précipitations et à des utilisations à une résolution plus fine (comme les inondations éclairs, cf. HD Science 18). Par ailleurs, la résolution spatio-temporelle annoncée de ces produits (i.e. la taille des pixels qu’ils fournissent) ne correspond pas forcément à leur résolution réelle. Par exemple, un produit satellite basé majoritairement sur les données d’un satellite défilant passant sur un point donné une seule fois tous les deux ou trois jours n’aura probablement pas la résolution espérée le reste du temps, lorsqu’il est basé sur une moins bonne source de donnée ou sur des observations réalisées plus loin.

Il s'agit d'une map.
@ IMERG GPM

Conclusion et Perspectives :

Il est important de souligner que les produits satellitaires d'estimation de la pluie offrent des avantages majeurs, notamment une couverture mondiale, particulièrement utile dans les régions et zones dépourvues de moyens de mesure ou présentant une faible densité de capteurs. Cependant, ces produits présentent encore des limites en termes de précision, de résolution spatio-temporelle et de latence, ce qui limite leur utilité dans des applications telles que la prévision à court terme et les inondations.

Des efforts sont en cours pour améliorer la précision et la résolution spatiotemporelle des produits satellitaires de précipitations, comme le lancement de nouveaux satellites tels que Meteosat Third Generation (MTG) et l’amélioration des algorithmes d’estimation de la pluie avec l’intégration de l’intelligence artificielle. L'utilisation de techniques d'apprentissage automatique et d'assimilation de données in situ afin de corriger ou de fusionner plusieurs sources de données est également prometteuse pour affiner les estimations.

La mesure de la pluie par satellite présente de nombreux avantages, et c’est pourquoi chez HD Rain nous utilisons cette donnée pour des travaux globaux, ou en complément de nos mesures précises de la pluie au sol (retour sur la technologie HD Rain).

À long terme, l'objectif est de disposer de produits satellitaires de précipitations qui atteignent une précision et une latence comparable aux mesures au sol et une résolution plus fine, tout en conservant l'avantage de la couverture mondiale. Cela permettra d'améliorer encore davantage la surveillance du cycle hydrologique global et la prévision des événements extrêmes liés aux précipitations mais aussi de profiter de ces données pour la prévision météorologique et des inondations.

Références:

https://gpm.nasa.gov/data/imerg

https://chrs.web.uci.edu/SP_activities00.php

https://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/janowiak/cmorph_description.html

https://hsaf.meteoam.it/Products/Detail?prod=H60B

https://doi.org/10.1016/j.ejrh.2023.101514

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fclim.2023.1185754/full